Chers collègues, chères amies, chers amis,
Vous pouvez trouver sur le site de l'ATC, la dernière publication d'André Picot, Jean Ducret et Junko Van Peteghem sur la sagesse des plantes et les effets du Kudzu.
Cette version a été relue par André en décembre 2022 avant qu'il ne nous quitte et Jean Ducret, a par la suite appliqué les modifications d'André et la mise en forme.
L’ATC reste à votre disposition pour toutes informations complémentaires et espère vous retrouver bientôt.
Si vous souhaitez poursuivre l'aventure ATC, inscrivez vous à nos prochaines formations sur Paris en septembre.
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ATC Académie :
L’objectif de ces programmes de formation est de vous aider à acquérir des connaissances et des outils en toxicologie / toxicochimie pour vous permettre d’appréhender les risques et de développer une stratégie de prévention adaptée.
Cette acquisition de compétence vous est proposée par un enseignement à distance, en plusieurs séances limitées à 2 heures.
Les premières séances sont des incontournables pour avoir les bases scientifiques. L’autre partie des séances peut être choisie en fonction des cas pratiques qui intéressent les auditeurs.
La programmation des séances est sur le rythme d’une séance hebdomadaire, afin que le cycle complet soit réalisé sur une période d’un peu plus d’un mois. Nos formateurs sont des intervenants/experts de l’ATC.
Ces formations peuvent avoir lieu pour un minimum de 6 personnes et jusqu’à un maximum de 12 auditeurs. Le format en visioconférence permet pour 5 séances de facturer ces cycles ATC Académie 550€ /personne.
Lancement d'ATC académie à la rentrée, 3 cursus de cours à distance seront proposés avec des thématiques cibles :
Nous consulter pour plus d’informations (Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.)
André Picot, mon Ami mon Maître
J’ai connu André Picot au début des années 1980. Je venais de passer ma thèse de doctorat d’état en Toxicologie sur les PCBs alors que j’étais biochimiste de formation. C’était l’époque ou Giscard d’Estaing pour se donner une teinte écologique décida l’organisation d’un grand congrès à Paris sur l’environnement à l’UNESCO. Le Ministère de l’Environnement fut chargé d’organiser rapidement un tel évènement en sollicitant toutes les bonnes volontés disponibles. Un de mes amis Toulousains me demanda de l’aider à animer une session sur les « nouveaux pesticides naturels », sujet qui m’était largement inconnu. Recueillant quelques données disponibles sur la roténone (à l’époque il n’y avait pas Wikipédia), j’effectuais une présentation à minima, que j’estimais suffisante pour le public concerné. A la fin de la présentation, la parole est donnée à la salle et la première main qui se lève était celle d’André Picot. Il se livre alors à un exercice de démolition de cette Substance, considérée à l’époque comme naturelle et donc compatible « Bio » mais d’une redoutable toxicité (ce qui amènera à son interdiction). Devant une intervention aussi argumentée, la « vraie » discussion est reportée à la pause-café. C’est là que j’avouais avoir essayé de « rendre service » en sortant du mon champ de compétences. J’avais rencontré un combattant de la rigueur scientifique, mais un combattant magnanime qui m’avait recommandé d’améliorer mes connaissances en toxicologie, en suivant la seule formation postuniversitaire qui était alors dispensée au CNAM. Le CNAM ne m’était pas inconnu car j’avais une collaboration avec l’équipe de Robert Albrecht sur l’étude des systèmes enzymatiques de métabolisation des xénobiotiques. La clarté du raisonnement d’André et son approche mécanistique des processus toxiques m’avait convaincu de suivre un tel enseignement. Je n'ai pas été déçu vu qu’en dehors d’André il y avait des enseignants comme René Truhaut, Henri Pézerat, Maurice Rabache, Georges Bories…. Il faut signaler qu’à l’époque le cursus universitaire de Biochimie des universités de sciences ne faisait aucunement allusion aux processus de toxicité, enseignement réservé aux pharmaciens et aux vétérinaires (mais malheureusement absent des cours de médecine). Le bon feeling avec André s’est traduit l’année suivante, par sa demande de rejoindre l’équipe enseignante pour assurer le cours sur les PCBs. J’ai alors conseillé à l’assistante de mon laboratoire de suivre aussi la formation au CNAM. J’ai ensuite naturellement suivi André dans l’ATC CNAM puis dans l’ATC Paris. Nous avions la même passion pour la « transmission » qui de mon côté était une valeur familiale via ma mère institutrice et mon père conseiller d’éducation, concrétisée par une carrière d’enseignant-chercheur.
Ma collaboration scientifique avec André s’est développée quand je suis rentré au CSHPF et que j’ai été nommé Président du groupe contaminants en 1988. Il faisait partie de ce groupe d’experts avec d’autres grands personnages comme Charles Frayssinet pour les mycotoxines ou Michel Boisset pour les métaux traces. Les démêlés d’André avec l’Académie des sciences pour l’expertise des dioxines nous ont rapprochés car il y avait un lobbying très fort pour minimiser les risques liés à cette famille de polluants persistants. Nous avons rédigé (en auto-saisine) un rapport sur les PCBs et Dioxines au CSHPF que j’ai fait remonter au Conseil de l’Europe où j’étais représentant de la France au sein du groupe sur les denrées alimentaires. Notre proposition de limite sur les dioxines dans le lait ayant été adoptée, la France a du s’aligner sur la recommandation européenne. Ce premier succès dans la lutte contre les lobbies ayant démontré l’efficacité de notre collaboration, André m’a souvent associé à ses combats comme je l’ai associé aux miens, ce qui nous a amené à gagner des causes « difficiles » sur le plan judiciaire comme dans l’affaire Paul François (pesticides), Singer (cuivre) ou Vaux-le-Pénil (dioxines).
Mais notre plus grande complicité se situait au deuxième degré, c’est-à-dire sur le plan de l’humour. C’était une façon de prendre de la distance avec un discours scientifique rugueux et du carcan des exigences réglementaires. La rapidité de réparti sur les traits d’esprit et les sentences à double sens était notre jeu de ping-pong, qui pouvait étonner notre auditoire ou même indisposer certains représentants ministériels. Ceci allait de pair avec le sens de la fête, des bons repas, du bon vin (rouge !) et des fins de soirée en chansons. Les fins août à Ampeils étaient les rendez-vous incontournables qui s’étaient officialisés par l’animation de la fête du village voisin. André avait une humanité débordante et « contaminante », les cercles d’amis personnels se rejoignaient en une grande communauté fraternelle. Finalement notre dernière rencontre date du 29 décembre ou nous avons fait un repas en musique, occasion de fêter son passage comme Président d’Honneur de l’ATC.
Alors que le confinement avait raréfie les organisations de congrès, l’année 2022 les avaient rétablis. J’avais donc accompagné André au congrès « après-mine » en septembre à Chaussy et au colloque Environnement – Santé de Strasbourg en Octobre, ce qui a été la dernière manifestation à laquelle il a participé. Il se trouve que l’épreuve de l’article issu de ce colloque nous a été transmise le jour même de son départ. C'est donc le dernier article scientifique* avec son nom. La photo que les éditeurs ont choisie pour illustrer l'article est celle d'un homme souriant et de plus avec la végétation calédonienne en arrière-plan (on connaît son attachement à cette terre). L'article traite de la démarche scientifique rigoureuse et complexe pour aborder les relations pollution - santé, on ne pouvait pas trouver meilleur sujet comme illustration de ses principes d'action et de transmission.
Malgré le vide qu’il laisse dans nos vies, nous nous devons de continuer en appliquant ces principes.
*Pollution et causalité : L’approche scientifique ; Narbonne JF, Picot A., BDEI n° 103, janvier 2003, pp 47-51
Jean François Narbonne, le 27 Janvier 2023.
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Hommage à André Picot, le président d’Honneur de l’Association Toxicologie Chimie, qui vient de nous quitter le 18 janvier 2023. Cet humaniste toujours souriant était notre phare.
André, de sa Bretagne natale, vient à Paris pour étudier, d’abord au Lycée d’Arsonval, puis au CNAM pour terminer par une thèse de doctorat en science physiques à Orsay à l’université de Paris sud (1975). Chimiste au départ, il deviendra, Toxicochimiste.
Après un passage chez Roussell Uclaff au Centre de Recherches, il intégrera au CNRS de Gif sur Yvette l’lnstitut de Chimie des Substances Naturelles (ICSN) où il deviendra Directeur de Recherches (1986-2004). Il mettra ensuite en place à Gif, l’Unité de Prévention du Risque Chimique (UPS 831), (1989-2001).
Entre temps (1980) au CNAM Paris, nait un enseignement de toxicologie fondamentale sous l’impulsion de brillants experts de notoriété internationale, formation originale interdisciplinaire qui associe la biologie et la chimie.
Cet enseignement va évoluer et prenant en compte le milieu du travail et l’environnement. Naitra alors l’Association Toxicologie CNAM (1989) avec la collaboration de responsables d’hygiène et Sécurité de l’INSERM.
Cette association va se transformer en Association Toxicologie Chimie ATC Paris (2009) indépendante et autonome qu’il va cogérer avec son ami Maurice Rabache. Ils vont dispenser alors un enseignement de toxicochimie et d’écotoxicochimie fondamentales industrielles et environnementales.
Globalement ces divers enseignements en 35 ans ont formés plus de 300 auditeurs (médecins du travail, ingénieurs et techniciens d’hygiène et sécurité, ingénieurs spécialistes de l’environnement, mais aussi, des journalistes, des naturopathes, des syndicalistes, des juristes sans oublier quelques passionnés curieux de ces domaines scientifiques si peux médiatisés).
Il faut rappeler que l’ATC a deux missions principales : la formation et l’expertise.
La formation, c’est sensibiliser, informer et former dans les domaines de la toxicologie et de l’écotoxicologie.
L’expertise, c’est éclairer par la connaissance et les compétences des sujets d’actualité tragiques considérés comme des causes perdues. André avec ses amis, Jean François Narbonne, Claude Lesné et les autres experts de notre panel d’enseignants permettront rétablissement de la vérité sur des sujets compliqués et épineux.
Deux exemples de procès gagnés avec une contribution de l’ATC : Paul François, l’agriculteur céréalier intoxiqué par l’insecticide « Lasso » de Monsanto ; Anne Marie Singer, agricultrice ayant un élevage de moutons. Ces derniers et sa mère ont été intoxiqués au cuivre suite à un acte malveillant (pollution de l’eau de source du domaine).
La liste des actions menées est longue et ne sera pas développée ici.
L’arme d’André, comme l’a si bien dit Jean François Narbonne dans l’hommage qu’il t’a rendu en chanson, c’était la chimie !
Il faut rappeler aussi qu’André a été un expert français à la Communauté Européenne (SCOEL), dans le domaine de la surveillance des atmosphères de travail, en participant à l’établissement des valeurs d’exposition. Il a participé à de très nombreuses autres missions d’expertise pour différents ministères et agences en France (Ministères de la recherche, du travail, de l’environnement, de l’agriculture, Académie des Sciences, AFSSET, AFSSA, INSERM…).
André vient de nous quitter et nous laisse un peu orphelins. André, le phare de l’ATC, est parti rejoindre ses très chers amis Maurice Rabache et Bruno van Peteghem. Nous devons continuer le travail commencé, prendre le relais et développer notre Association avec la nouvelle équipe.
André, était très apprécié. En homme simple, tranquille, curieux, assoiffé de science, il a été un infatigable travailleur, disponible et à l’écoute jusqu’au bout. C’était aussi un bon vivant, aimant les bonnes choses. Il aimait partager son vécu et nous racontait des histoires parfois surprenantes. Il pouvait aussi avoir un humour décapant.
Il aimait bien l’écriture, beaucoup d’articles scientifiques, de monographies et de livres ont été publiés, en particulier grâce au travail de mise en page et de collaboration étroite avec Jean Ducret. Beaucoup de thématiques ont été abordées. Pour illustration, en voici quelques unes seulement : les métaux traces toxiques, la spéciation, la dioxine, les perturbateurs endocriniens, le lévothyrox, le gaz de schiste, la pollution des sols, le syndrome aérotoxique… et dernièrement le kudzu. L’idée de ce thème est née d’une collaboration avec Junko, l’épouse de Bruno van Peteghem. Pendant ces deux dernières années, l’étude bibliographique du Kudzu, plante japonaise, a permis à André la rédaction d’une monographie de l’ordre de 150 pages. Elle est presque terminée et sera bientôt mise sur le site de l’ATC en accès libre.
André, c’était un scientifique passionné et passionnant.
Les anciens auditeurs que nous sommes, devenus parfois des enseignants ATC, tenons à remercier André de nous avoir encouragés, motivés, guidés, de nous avoir donné confiance en nous pour trouver le meilleur de nous mêmes.
Nicole et Frédéric, pour le bureau, les enseignants, les adhérents et sympathisants de l’ATC.
27 janvier 2023.
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« Ici ça vient bien », cette expression émise par mon oncle est restée gravée dans mon esprit. Pendant mon adolescence au début des années soixante, je passais une partie de mes vacances dans la ferme de mon oncle paternel du côté de Saint-Gervais-les-trois-clochers dans le Poitou. Etant Toulousain par ma mère j’avais grandi dans une ambiance plutôt urbaine mais ces périodes de rupture avec la vie scolaire m’ouvraient une fenêtre vers la réalité du monde agricole et l’expression de la « générosité de la terre ». C’était une ferme à l’ancienne de polyculture élevage, qui en était encore à la traction animale et à la moissonneuse lieuse. Après avoir donné à manger aux cochons et ramené les vaches de leur prairie, dans le char à banc tracté par le cheval je partais avec mon oncle qui surveillait régulièrement l’avancement des cultures. Alors que c’était comme beaucoup de paysans « un taiseux », il devenait intarissable quand il s’agissait de parler de son domaine. Cahotant dans les chemins creux bordant les champs je recevais alors une leçon magistrale sur la genèse des paysages qu’il me faisait découvrir. L’alternance des prairies des champs de blé et d’avoine dépendait de la nature des sols constitués de calcaires d’argiles et de marnes, mais aussi de l’architecture des paysages. Ici une ligne d’arbres indiquait l’existence d’une circulation d’eau souterraine, là un vallonnement entraînait une différence d’ensoleillement. Ainsi chaque parcelle était adaptée à une culture, ce que mon oncle exprimait par l’expression « ici le blé ça vient bien » par exemple. Mais si on prend l’exemple du blé il ne s’agit pas de n’importe quel blé, mais les graines qui au fil des années se sont le mieux adaptées à l’écosystème local. Ainsi mon oncle gardait une partie des graines récoltées pour les semailles suivantes. Ce savoir avait été acquis au cours des siècles et transmis au cours des générations de fermiers qui s’étaient succédé sur ces terres. J’avais d’ailleurs été frappé par le niveau de solidarité existant entre les fermiers du lieu alors que leur réputation générale était plutôt le « chacun chez soi ». Il y avait beaucoup d’entre-aide, chacun allant aider le voisin au moment des périodes de forte activité avec une mise en commun de matériels lourds. Ainsi l’alimentation des hommes et des animaux était étroitement liée à la fois aux aspects pédoclimatiques, mais aussi aux savoir-faire et aux pratiques des hommes gestionnaires de ces terres. Ce savoir est issu non seulement d’une transmission verticale intergénérationnelle mais aussi horizontale par les échanges et l’entraide à l’intérieur de la communauté des exploitants locaux.
Ainsi mon oncle m’avait permis de découvrir qu’il existait un savoir « caché » que ne m’ont enseigné ni mes professeurs de collège ou de lycée ni même ceux de l’université. C’est après avoir abordé l’étude de la nutrition sous les aspects physiologiques et métaboliques, puis les relations environnement-santé, que j’ai de nouveau abordé ce savoir. Heureusement il avait été conservé par les résistants à « la modernisation de l’agriculture » importée des Etats Unis après la 2° guerre mondiale et imposée en Europe par le plan Marschall et les multinationales associées (European Recovery Program). Les connaissances acquises au cours de mon cursus universitaire m’ont par contre permis de donner un éclairage scientifique à cette initiation familiale, en particulier sur les interactions de la plante et de son environnement.
La graine, l’or du paysan.
L’image traditionnelle du paysan est celui laboureur et du semeur (ou semeuse), ce qui met la graine au cœur de cette sorte de sacerdoce. La graine aurait alors un potentiel de vie conditionnant la suite du cycle cultural. Il y a une formule très belle comme quoi une graine est « un petit logiciel biologique » qui contient en mémoire toutes les données de l’histoire et de la filiation des plantes, intégrant des millénaires d’expérimentations effectuées par des milliers générations. Il y a donc eu tout un travail de recherche et d’adéquation réalisé par l’homme, consistant à adapter les semences à une situation donnée (terroir, climat, ensoleillement...), et en les sélectionnant en fonction des résultats obtenus. En fait les gènes constitutifs doivent trouver dans l’environnement les circonstances qui leur permettent d’exprimer les caractères adaptatifs. La pratique de l’autoproduction de semence à la ferme qui existe depuis des millénaires, s’est pourtant perdue en moins d’un demi-siècle en France et en Europe. La FAO estime que 75% de la diversité génétique des plantes cultivées a été perdue entre 1900 et 2000. Pour le paysan « faire sa semence » est le résultat d’un long processus d’observation du comportement des plantes, des réactions avec l’environnement, de l’adaptation aux écosystèmes locaux.
Le substrat de la « générosité de la terre » : le sol.
Le sol qui est au cœur de l’agriculture est d'une incroyable complexité que l’approche « moderniste » a voulu simplifier. Un sol n’est pas seulement de la matière chimique composée d’argiles de limons et de sables, c’est aussi un ensemble d’organismes vivants (bactéries, champignons, arthropodes, acariens, araignées, vers de terre), qui sont essentiels à la libération des minéraux que la plante va utiliser. Pour être optimale, cette vie du sol doit bénéficier d’une structure (réseau racinaire, aération, écoulement de l’eau, stratification des milieux) que l’homme s’efforcera d’améliorer au fil du temps. Les plantes vivant sur ces sols ont co-évolué pendant de très longues périodes avec des ajustements permanents aux évolutions naturelles et à celles dues au travail de l’homme. D’ailleurs les paysans parlaient de « terre » plutôt que de « sol », (mon oncle disait « je laboure la terre » et non « le sol »). La terre désigne quelque chose de vivant et même une divinité, alors que le sol peut être quelque chose d’inerte comme de la roche. L’agriculture « moderne » implique une standardisation des sols dont on peut même s’en passer dans les cultures « hors sol ».
Les dérives de la « rationalisation » des cultures.
Depuis soixante-dix ans et au mépris des savoirs paysans, on a sélectionné des plantes pour fonctionner dans un écosystème donné permettant d’obtenir les meilleurs rendements. Il fallait donc arriver à reproduire dans les champs les conditions correspondant aux conditions fixées au cours des essais. L’ordre des choses a alors été inversé en modifiant le milieu naturel pour l’adapter aux plantes sélectionnées. Les moyens mis en œuvre sont l’irrigation, la suppression des haies, et surtout l’apport massif d’intrants comme les engrais pour la nutrition et les pesticides pour la protection de plantes fragilisées. Finalement, on se retrouve avec des plantes qui sont en déséquilibre avec leur milieu et des systèmes agricoles en rupture avec l’évolution naturelle. Cette agriculture ne peut se maintenir qu’avec des fortes consommations d’eau et d’intrants, l’opposé d’un système « durable ».
En conclusion, je me réfèrerais à la chanson de Claude Nougaro parlant d’une ferme du Poitou (Nouvelle Aquitaine) donnant un coq qui constitue « le coq au vin », plat de fête familial sous le regard de la pendule qui symbolise le temps, maître de la lenteur des processus, en somme l’opposé du « fast food ».
Jean-François NARBONNE (19/01/2022)
- Selon Confessions of a Supply-Side Liberal, il semblerait qu’il existe une forte relation entre les taux d'obésité et les taux d'anorexie. Par quel dérèglement chimique ou génétique peut-on expliquer cette corrélation ?
L’obésité, l’anorexie et la boulimie sont d’importants facteurs affectant la santé d’une partie croissante de la population, considérés même comme phénomène épidémique. Ces désordres sont liés à de nombreux déterminants comme la disponibilité alimentaire, l’équilibre nutritionnel du régime, l’activité physique, la susceptibilité génétique mais aussi les stress sociaux et environnementaux (expositions aux polluants). Ces désordres métaboliques (incluant le diabète et appelés syndrome métabolique) peuvent augmenter les risques de nombreuses maladies chroniques contribuant ainsi à une diminution de la qualité de vie et de l’espérance de vie.
Les mécanismes qui sous-tendent les altérations du comportement alimentaire sont complexes et multi-étapes avec des aspects génétiques, hormonaux, neurologiques et psychologiques (ou psychiatriques), ce qui ouvre à l’interaction possible de nombreux facteurs. Les signes évidents de ces altérations se traduisent par des variations de poids et de silhouette. La régulation du comportement alimentaire met en jeu, des hormones gastro-intestinales puis des signaux agissent au niveau central sur des structures clés de l'hypothalamus et du tronc cérébral. L'ingestion d'aliments s’accompagne aussi d’un plaisir ressenti appelé « boucle de la récompense » qui permet à l'organisme de se diriger vers des nourritures essentielles au maintien d'une balance énergétique. Intervient dans ce cas un circuit dopaminergique impliquant des récepteurs spécifiques (D 2/3). Lors de dysrégulations du comportement alimentaire on observe des altérations notables dans la régulation des signaux endocrines (leptine, insuline…) et dans la transmission dopaminergique.
- Nous semblons observer une prévalence de l’anorexie chez les adolescents et les jeunes adultes, en particulier les femmes. L’exposition à des produits chimiques lors du développement, peut-elle expliquer ce phénomène ? Les cosmétiques, ont-ils un rôle dans ces perturbations comportementales ?
Les altérations du comportement alimentaire ont évidemment une large part de facteurs psychologiques et donc sont susceptibles de se manifester à des périodes charnières de la vie ou l’individu construit sa relation avec la société et l’environnement qui l’entoure. Evidemment l’adolescence est la période la plus critique, en particulier pour les jeunes filles sensibles aux effets de mode et de références esthétiques. Mais il est aussi difficile d’identifier le « facteur premier ». Pour ce qui concerne les aspects esthétiques (silhouette) le facteur génétique est évidemment déterminant mais il joue aussi dans la susceptibilité. Par exemple les populations issues du Maghreb ont une prédisposition au diabète et au surpoids, qui se manifeste dans les pays d’origine et d’émigration. Dans Ce cas, des changements significatifs de régime alimentaire augmentent les risques d’obésité (exemple avec les afro-américains). Comme la régulation pondérale est fortement lié à des équilibres hormonaux, le développement des connaissances sur les mécanismes d’action des perturbateurs endocriniens a permis de mieux établir les relations entre la pollution environnementale et le syndrome métabolique. Si on considère les atteintes possibles au métabolisme des lipides on peut se référer aux substances pouvant interagir avec le récepteur PPAR comme les phtalates, les PFAS, les organoétains, ou même des substances naturelles comme la génistéine présente dans le soja. D’autres contaminants interfèrent avec la sécrétion d’insuline comme certains éléments traces (As), mais aussi des POPs (DDT, PCBs) des pesticides comme l’atrazine ou des additifs comme le glutamate. D’autres interactions peuvent se réaliser via les récepteurs au glucocorticoïdes (ex. le BPA). De nombreuses études ont aussi porté sur les fumeurs et on a constaté que le fait de fumer ou le sevrage pouvaient entrainer de fortes variations pondérales. On a aussi ces mêmes réactions avec des médicaments comme les benzodiazépines ou d’autres drogues.
- Il y a-t-il des périodes de la vie où nous sommes plus susceptibles aux produits chimiques dans notre environnement ? S’en protéger diminuera-t-il l’incidence de l’obésité, du diabète et de l’anorexie dans nos sociétés occidentales ?
La période la plus sensibles est à l’évidence la phase d’organogénèse, correspondant à la gestation et à la période post natale (souvent appelée période des 1000 jours). Un bon exemple est donné chez les femmes fumeuses. Dans la fumée de cigarette, il y a aussi les goudrons (HAPs) qui jouent sur le fonctionnement des adipocytes chez le nouveau-né, ce qui entraîne un poids réduit à la naissance (de 200 à 400g) mais un risque de surpoids et d’obésité dans la suite du développement (+ de 10 cigarettes/jour). C’est pour cela que des études de bio-surveillance analysent le sang du cordon et le lait, deux voies d’exposition fœtale et néonatale. De même la malnutrition pendant la gestation à des conséquences graves sur le métabolisme et le comportement du futur enfant. Des déséquilibres alimentaires au cours de l’enfance et de l’adolescence peuvent être un facteur d’obésité. Pour conclure on peut dire que les causes d’altérations du comportement alimentaire sont multiples, mal connues et sont l’objet d’intenses recherches. Par exemple avec mon équipe de nutrition et toxicologie de l’Université St Joseph de Beyrouth, nous avons cherché à discriminer sur une cohorte de 250 personnes les paramètres pouvant induire le syndrome métabolique. Entre contamination, pratique d’un sport, données sociologiques et alimentation, c’est le facteur « changement de profil alimentaire » qui apparait comme le plus déterminant.
Glossaire :
PFAS : composés polyfluoroalkylés, PCB : Polychlorobiphényles, HAP : Hydrocarbures aromatiques polycycliques, POPs : Polluants organiques persistants, BPA : Bisphénol A, PPAR : Récepteur activé par les proliférateurs de peroxysomes (peroxisome proliferator-activated receptor, PPAR) appartient à la superfamille des récepteurs nucléaires agissant comme facteur de transcription des gènes impliqués notamment dans le métabolisme des lipides et l'adipogenèse.
Retrouvez le texte de Jean-François NARBONNE directement sur le site d'ATLANTICO
Le dernier avis du Professeur Narbonne, sur les risques de l'oxyde d'éthylène présent dans les aliments est disponible ici :
Aliments contaminés par l’EO : Quelle est la réalité des risques ?
Nouveau Module : formation en INTRA
4) AIR INTÉRIEUR
Public cible : Médecins (du travail, généralistes...) Hygienistes, IPRP ... et toute personne curieuse.
Durée : 2,5 jours (soit 17 heures)
Prérequis : néant
Prix : 5600 € ttc (pour 12 personnes maxi soit 470€/pers et 5 personnes mini)
Lieu : - sur site pour les entreprises qui réunissent leurs collaborateurs en INTRA,
- ou dans les locaux de l'AFBB : 9 bis rie Gérando, 75009 à Paris,
- ou en visio-conférence selon les obligations de l'actualité
INSCRIPTION ET RENSEIGNEMENT :
Jennifer OSES
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