NOS ACTUALITÉS

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« Ici ça vient bien », cette expression émise par mon oncle est restée gravée dans mon esprit. Pendant mon adolescence au début des années soixante, je passais une partie de mes vacances dans la ferme de mon oncle paternel du côté de Saint-Gervais-les-trois-clochers dans le Poitou. Etant Toulousain par ma mère j’avais grandi dans une ambiance plutôt urbaine mais ces périodes de rupture avec la vie scolaire m’ouvraient une fenêtre vers la réalité du monde agricole et l’expression de la « générosité de la terre ». C’était une ferme à l’ancienne de polyculture élevage, qui en était encore à la traction animale et à la moissonneuse lieuse. Après avoir donné à manger aux cochons et ramené les vaches de leur prairie, dans le char à banc tracté par le cheval je partais avec mon oncle qui surveillait régulièrement l’avancement des cultures. Alors que c’était comme beaucoup de paysans « un taiseux », il devenait intarissable quand il s’agissait de parler de son domaine. Cahotant dans les chemins creux bordant les champs je recevais alors une leçon magistrale sur la genèse des paysages qu’il me faisait découvrir. L’alternance des prairies des champs de blé et d’avoine dépendait de la nature des sols constitués de calcaires d’argiles et de marnes, mais aussi de l’architecture des paysages. Ici une ligne d’arbres indiquait l’existence d’une circulation d’eau souterraine, là un vallonnement entraînait une différence d’ensoleillement. Ainsi chaque parcelle était adaptée à une culture, ce que mon oncle exprimait par l’expression « ici le blé ça vient bien » par exemple. Mais si on prend l’exemple du blé il ne s’agit pas de n’importe quel blé, mais les graines qui au fil des années se sont le mieux adaptées à l’écosystème local. Ainsi mon oncle gardait une partie des graines récoltées pour les semailles suivantes. Ce savoir avait été acquis au cours des siècles et transmis au cours des générations de fermiers qui s’étaient succédé sur ces terres. J’avais d’ailleurs été frappé par le niveau de solidarité existant entre les fermiers du lieu alors que leur réputation générale était plutôt le « chacun chez soi ». Il y avait beaucoup d’entre-aide, chacun allant aider le voisin au moment des périodes de forte activité avec une mise en commun de matériels lourds. Ainsi l’alimentation des hommes et des animaux était étroitement liée à la fois aux aspects pédoclimatiques, mais aussi aux savoir-faire et aux pratiques des hommes gestionnaires de ces terres. Ce savoir est issu non seulement d’une transmission verticale intergénérationnelle mais aussi horizontale par les échanges et l’entraide à l’intérieur de la communauté des exploitants locaux.

Ainsi mon oncle m’avait permis de découvrir qu’il existait un savoir « caché » que ne m’ont enseigné ni mes professeurs de collège ou de lycée ni même ceux de l’université. C’est après avoir abordé l’étude de la nutrition sous les aspects physiologiques et métaboliques, puis les relations environnement-santé, que j’ai de nouveau abordé ce savoir. Heureusement il avait été conservé par les résistants à « la modernisation de l’agriculture » importée des Etats Unis après la 2° guerre mondiale et imposée en Europe par le plan Marschall et les multinationales associées (European Recovery Program). Les connaissances acquises au cours de mon cursus universitaire m’ont par contre permis de donner un éclairage scientifique à cette initiation familiale, en particulier sur les interactions de la plante et de son environnement.

La graine, l’or du paysan.

L’image traditionnelle du paysan est celui laboureur et du semeur (ou semeuse), ce qui met la graine au cœur de cette sorte de sacerdoce. La graine aurait alors un potentiel de vie conditionnant la suite du cycle cultural. Il y a une formule très belle comme quoi une graine est « un petit logiciel biologique » qui contient en mémoire toutes les données de l’histoire et de la filiation des plantes, intégrant des millénaires d’expérimentations effectuées par des milliers générations. Il y a donc eu tout un travail de recherche et d’adéquation réalisé par l’homme, consistant à adapter les semences à une situation donnée (terroir, climat, ensoleillement...), et en les sélectionnant en fonction des résultats obtenus. En fait les gènes constitutifs doivent trouver dans l’environnement les circonstances qui leur permettent d’exprimer les caractères adaptatifs. La pratique de l’autoproduction de semence à la ferme qui existe depuis des millénaires, s’est pourtant perdue en moins d’un demi-siècle en France et en Europe. La FAO estime que 75% de la diversité génétique des plantes cultivées a été perdue entre 1900 et 2000. Pour le paysan « faire sa semence » est le résultat d’un long processus d’observation du comportement des plantes, des réactions avec l’environnement, de l’adaptation aux écosystèmes locaux.

Le substrat de la « générosité de la terre » : le sol.

Le sol qui est au cœur de l’agriculture est d'une incroyable complexité que l’approche « moderniste » a voulu simplifier. Un sol n’est pas seulement de la matière chimique composée d’argiles de limons et de sables, c’est aussi un ensemble d’organismes vivants (bactéries, champignons, arthropodes, acariens, araignées, vers de terre), qui sont essentiels à la libération des minéraux que la plante va utiliser. Pour être optimale, cette vie du sol doit bénéficier d’une structure (réseau racinaire, aération, écoulement de l’eau, stratification des milieux) que l’homme s’efforcera d’améliorer au fil du temps. Les plantes vivant sur ces sols ont co-évolué pendant de très longues périodes avec des ajustements permanents aux évolutions naturelles et à celles dues au travail de l’homme. D’ailleurs les paysans parlaient de « terre » plutôt que de « sol », (mon oncle disait « je laboure la terre » et non « le sol »). La terre désigne quelque chose de vivant et même une divinité, alors que le sol peut être quelque chose d’inerte comme de la roche. L’agriculture « moderne » implique une standardisation des sols dont on peut même s’en passer dans les cultures « hors sol ».


Les dérives de la « rationalisation » des cultures.

Depuis soixante-dix ans et au mépris des savoirs paysans, on a sélectionné des plantes pour fonctionner dans un écosystème donné permettant d’obtenir les meilleurs rendements. Il fallait donc arriver à reproduire dans les champs les conditions correspondant aux conditions fixées au cours des essais. L’ordre des choses a alors été inversé en modifiant le milieu naturel pour l’adapter aux plantes sélectionnées. Les moyens mis en œuvre sont l’irrigation, la suppression des haies, et surtout l’apport massif d’intrants comme les engrais pour la nutrition et les pesticides pour la protection de plantes fragilisées. Finalement, on se retrouve avec des plantes qui sont en déséquilibre avec leur milieu et des systèmes agricoles en rupture avec l’évolution naturelle. Cette agriculture ne peut se maintenir qu’avec des fortes consommations d’eau et d’intrants, l’opposé d’un système « durable ».

En conclusion, je me réfèrerais à la chanson de Claude Nougaro parlant d’une ferme du Poitou (Nouvelle Aquitaine) donnant un coq qui constitue « le coq au vin », plat de fête familial sous le regard de la pendule qui symbolise le temps, maître de la lenteur des processus, en somme l’opposé du « fast food ».

 

Jean-François NARBONNE (19/01/2022)                                                                 

 

2084
POURQUOI L’ÉTAT JOUE AVEC VOTRE SANTÉ

Pierre MENETON (Inserm)
Éditions humenSciences / Humensis (www.humensciences.com)
ISBN : 978-2-3793-1522-0
(14,90€)

Un ouvrage d’actualité qui met en avant l’hypocrisie dont sait faire preuve l’État français envers son peuple, au travers de différents sujets ou évènements importants liés à la santé publique qui se sont déroulés à notre époque moderne.

L’auteur observe l’attitude duelle (immorale ?) par laquelle l’État expose ouvertement sa motivation : assurer le « bien être, physique et social » ou encore « la santé publique » (via le cadre législatif) tout en dissimulant sciemment les actions opportunes destinées à favoriser certains acteurs économiques (via le cadre réglementaire…) destinées à assurer des rentrées fiscales pour son bon fonctionnement ou, pire encore, liberticides à des fins de surveillance et de contrôle de la population.

La première moitié de l’ouvrage, Pierre Meneton nous emmène pour un voyage temporel et factuel, développé au travers de l’histoire économique du pays sur laquelle nous avons maintenant le recul des années (parfois plus d’un siècle !) pour analyser les actions (ou les inactions) de l’État lorsqu’il a du traiter des cas impactant sévèrement la santé publique et ainsi nous faire une idée des priorités qui peuvent régir les gouvernements successifs.

Dans un second temps, Pierre Meneton tient à exprimer son sentiment envers les systèmes étatiques et socio-économiques qui éprouvent des difficultés patentes à assumer leurs relations conflictuelles avec les différents acteurs sociaux, en opposition systémique évidente, mais également en opposition intra-individuelle dans une concurrence égotique permanente.

Cette responsabilité qui incombe à l’État de maintenir la cohésion dans cet environnement chaotique (entretenu ?) implique (justifie ?) de maitriser le contrôle et la surveillance de l’ensemble des parties prenantes, notamment à l’aide de ses fonctions régaliennes officielles tout restant au fait de l’évolution technologique.

Pierre Meneton, lance le lecteur sur une piste à explorer : quelle suite peut-on imaginer lorsque notre organisateur étatique a vécu deux siècles de développement sans discontinuité fonctionnelle et sans remise en cause de ses fondamentaux ?

1984 : Geoges Orwell (écrivain) – 2084 : Pierre Meneton (chercheur, Inserm)
État : Organisation institutionnelle administrative bicéphale (élus avec mandats temporels et fonctionnaires sans pression temporelle sur l’activité)

Nous serions en droit d’attendre, de l’État, le respect et la sauvegarde du bien commun. En lieu et place, il privatise les profits et mutualise les pertes.

Récemment, nous avons vu l’apparition de la manipulation des masses par la peur, sur le principe démontré par Edward Bernays dans son ouvrage « Propaganda » écrit en 1929.
Plus près de nous, Sygmunt Bauman dans « le présent liquide » (2007) nous explique que l’être humain souhaite par-dessus tout, protéger ses acquis, et donc, la peur de les perdre va le pousser à « assurer » son avenir.

Pierre Meneton nous offre ici les constats factuels du chercheur scientifique sur les positions de l’État face aux trop nombreuses problématiques (tabac, malbouffe, alcool, maladies cardio-vasculaires, cancers, drogue, diesel, les conditions de travail, les maladies professionnelles, les expositions au plomb, à l’amiante…et le virus SarsCov2). L’État veut notre bien. Un modèle éculé, bien huilé, et presque sans faille si ce n’est le temps, puisque les faits sont têtus et nous démontre les trous béants dans la raquette.

Bien souvent, le temps long profite aux élus qui ne sont plus en poste lorsque les problèmes émergent. De plus, ils sont souvent responsables mais rarement coupables. Quant à l’administration, elle est obéissante et irresponsable de fait statutairement. Par ailleurs, le « no skin in the game » (ne joue pas sa peau) est la marque de fabrique des grands commis de l’État formés, à juste titre, dans les établissements ad hoc (ENA, ENS, X Ponts…). Ils sont plus financiers et gestionnaires (réduction des coûts, respect des budgets alloués et reconduits…) sortis dans « la botte », qu’innovants et productifs ou visionnaires. Ce sont donc bien de véritables chefs administratifs (frein) mais ne seront jamais des chefs de guerre (accélérateur). L’équilibre pour atteindre un intérêt collectif est rompu.

La solution, qui devrait se trouver dans un juste milieu entre l’accélérateur et le frein, assurément, ne viendra pas de l’intérieur, vous l’avez compris : on ne change pas une équipe qui gagne.

Les lanceurs d’alerte sont régulièrement broyés et sacrifiés sur l’hôtel de la productivité. Les contre-pouvoirs sont inexistants ou muselés et la démocratie, qui était censée en être la gardienne, est devenue un joli mot. 1789 est un lointain souvenir !

Pierre Menton est un survivant et reste éveillé. Il nous informe. Un homme vrai et courageux.

Espérons que l’ouvrage de Pierre Meneton puisse circuler parmi le plus grand nombre ! Il a le grand mérite d’avoir pris date (octobre 2021) pour que nous ne puissions pas dire que nous ne savions pas.

Elie Wiesel, dans un tout autre registre, avait repris la phrase de Sir Winston Churchill : « Tout peuple qui ne connait pas son histoire, est condamné à la revivre… ». Le sens de l’Histoire s’écrit ici et maintenant

 

Lyu van PETEGHEM
15 décembre 2021

Pierre Rabhi vient de nous quitter
« Un Homme de Cœur très attaché à la Terre »

Lorsqu'il y a bien longtemps aux rencontres « Sciences Frontières » j'ai fait connaissance, à Avignon, avec Pierre Rabhi et nous avons immédiatement sympathisé. Cet homme à la silhouette grêle et au visage émacié portait en lui un message d'espoir.

Nous avions pratiquement le même âge (au-delà des 60 ans à cette époque) et lors de notre premier contact il me confia qu'il était né à Kenadza, une petite ville minière du nord-ouest du Sahara, au sud de Colomb-Béchar, charmante oasis et une grande base militaire française.

Kenadza est une modeste oasis en plein désert qui, autrefois, était renommée comme une « Zaouia » ce qui correspondait à un lieu d'enseignement fondée au XVIe siècle par un thaumaturge soufiste qui prônait la non-violence. De quoi inspirer le jeune Rabbah (le victorieux) Rabhi.

Or, personnellement, Kenadza ne m'était pas inconnue, ce qui du reste surpris beaucoup Pierre Rabhi. En effet dans les années 1960, je débutais mon service dans un régiment s'occupant du lancement des fusées militaires, à l'époque dans le civil c’était « Véronique » l'arrière-grand-mère d'Ariane. Ce petit régiment d'artillerie téléguidée bénéficiait de quelques légers privilèges dont celui de pouvoir garder sa tenue civile durant le week-end. Avec mon copain Jacky, aussi inconscient que moi, nous sommes partis en auto-stop de notre base de Colomb-Bechar à Kenadza car nous voulions visiter les mines de charbon, la seule activité de cette ville perdue en plein désert aride.

Bien entendu ces mines étaient fermées le week-end, et on décida, un peu dépités, d'aller nous promener dans le souk, un dédale de ruelles sombres mais néanmoins fortement animées, avec des hommes dignes de Germinal aux visages noircis par la poussière de charbon. Ce qui nous nous frappa immédiatement c'était qu'on n'était pas les bienvenus en ces lieux et, par prudence, on a fait rapidement demi-tour. Quand j'ai raconté cette excursion à Pierre Rabhi, il m'assura que cette « folie de jeunesse » aurait pu nous être fatale, car aucun européen ne pénétrait en ces lieux considérés à hauts risques durant la guerre d'Algérie !

Pour en revenir à Pierre Rabhi, ultérieurement j'ai eu le plaisir de le côtoyer à Sciences Frontières où il était régulièrement sollicité comme conférencier. C'était un narrateur hors normes, tant ces exposés étaient empreints d’humanisme. Souvent, il revenait sur son enfance saharienne. Un papa forgeron mais aussi musicien et poète, une maman perdue dès quatre ans. Il fut confié à un couple de français qui l’amena à Oran, la grande cité au bord de la Méditerranée. Converti au catholicisme Rabah transforma son prénom en Pierre, apôtre dont il admirait le charisme. Dans son adolescence il se tourna vers le mysticisme et la spiritualité orientant sa vie vers le social. En conflit idéologique avec ses parents adoptifs (soutiens de l’Algérie française, très droitière), en 1958 il partit pour Paris où il essaya de survivre grâce à des petits boulots. Travaillant à Puteaux dans une usine de machines agricoles il rencontre Michèle, une bretonne, avec qui il se maria et qui lui donna cinq enfants, et qui sera toujours son inconditionnel soutien. Très curieux de connaissances, Pierre Rabhi se passionna pour les travaux de l'Allemand Ehrenfried Pfeiffer, l'un des promoteurs de l'agriculture biodynamique (qui pense la nature comme un ensemble).

Après trois ans comme ouvrier agricole, en 1963 la famille Rabhi acheta à Montchamps une ferme isolée dans les Cévennes ardéchoises. Suivront quelques années de galère jusqu'en 1968, année où Pierre commence d’essaimer leur expérience de ferme biodynamique. Cette approche appliquant l'agriculture biodynamique sera loin de faire l'unanimité et, par exemple, Pierre Rabhi sera fortement critiqué par René Dumont qui y voit des pratiques ésotériques. Malgré tout, contre vents et marées, Pierre Rabhi prône son approche d'une vie plus équilibrée et met en cause le mythe du progrès industriel en particulier à appliquer à l'agriculture et à la productivité.

Pierre Rabhi « l’africain saharien » va exploiter son savoir-faire au Burkina Faso, l'un des états de l'Afrique centrale les plus pauvres. Son président de l'époque, Thomas Sankara, convaincu de l’application de l'agriculture biodynamique à son pays, avait l'ambition de mettre en application cette expérience originale, qui va brusquement s'arrêter avec en 1987 l'assassinat de Sankara qui considérait Pierre Rabhi comme un « sorcier bienfaisant » ! Les burkinabés l’adoraient.

Ultérieurement, pour développer son approche d'une agriculture accessible à tous, il va participer au lancement de plusieurs mouvements écologiques. Ainsi, en 2004, avec Michel Valentin il créé dans la Drôme, les Amandus : une infrastructure d'agro-tourisme maraicher qui accueille des vacanciers et dans laquelle sont proposés entre autres des conférences, des séminaires…. Une belle réussite qui continue à proposer des thèmes novateurs. Il y a quelques temps l’ATC a participé à l'un de ces séminaires très dynamiques.

En 2006, Pierre Rabhi décida de concrétiser la mobilisation populaire qui le soutient et lance le mouvement « Colibris », dont l'objectif est de rassembler les citoyens engagés dans des alternatives comme les fermes pédagogiques, les jardins partagés… etc.

Par ailleurs Pierre Rabhi a écrit une vingtaine d'ouvrages dont, en 2010, « Vers la sobriété heureuse » chez Actes Sud, qui fut un très grand succès de librairie.

Pierre Rabhi a été un conférencier exceptionnel tant il mettait beaucoup d'humanité dans ses poignantes interventions. Certains de ses propos ont suscité des réactions négatives en particulier en ce qui concerne son regard sur l'homophobie et la misogynie. Ainsi, plutôt que de tendre vers l'égalité femmes / hommes, il serait, selon lui, préférable d'aller vers une complémentarité des sexes. Une approche à notre sens très rétrograde.

Autre point qui a amené certains observateurs à s’interroger : ses nombreux soutiens par des mécènes issus du show-business comme Marion Cotillard ainsi que par des fortunes aristocratiques. Beaucoup d'argent en cause !

Dernier point personnel, lors d’une de ses interventions, j'ai entendu Pierre Rabhi proclamer : « Ce n'est pas parce qu'on aura une société biologique qu'on sera dans le bonheur. Aujourd'hui la crise est dans l'humain et c'est là qu'elle doit se résoudre ! ».

Comme certainement dirait son ami, le moine bouddhiste Matthieu Ricard, « c'est en effet à méditer…. »

Au revoir Pierre !

Chevreuse, le 10 décembre 2021

André PICOT
Président de l’ATC

Quelques lectures rapides qui ont permis d'écrire cet hommage de l’ATC à Pierre Rabhi, un Homme de cœur…

Michel Mabit, 2002 « Pierre Rabhi, homme de cœur pour parole de terre » chez Nature et Progrès, numéro 34, pages 10 à 13, mars avril 2002

Catherine Vincent 2021 « Pierre Rabhi, écrivain et figure de L’agroécologie » Le Monde, page 26, 2 décembre 2021

Pierre Rabhi, Wikipédia pages 1-8, 2021

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- Selon Confessions of a Supply-Side Liberal, il semblerait qu’il existe une forte relation entre les taux d'obésité et les taux d'anorexie. Par quel dérèglement chimique ou génétique peut-on expliquer cette corrélation ?


L’obésité, l’anorexie et la boulimie sont d’importants facteurs affectant la santé d’une partie croissante de la population, considérés même comme phénomène épidémique. Ces désordres sont liés à de nombreux déterminants comme la disponibilité alimentaire, l’équilibre nutritionnel du régime, l’activité physique, la susceptibilité génétique mais aussi les stress sociaux et environnementaux (expositions aux polluants). Ces désordres métaboliques (incluant le diabète et appelés syndrome métabolique) peuvent augmenter les risques de nombreuses maladies chroniques contribuant ainsi à une diminution de la qualité de vie et de l’espérance de vie.
Les mécanismes qui sous-tendent les altérations du comportement alimentaire sont complexes et multi-étapes avec des aspects génétiques, hormonaux, neurologiques et psychologiques (ou psychiatriques), ce qui ouvre à l’interaction possible de nombreux facteurs. Les signes évidents de ces altérations se traduisent par des variations de poids et de silhouette. La régulation du comportement alimentaire met en jeu, des hormones gastro-intestinales puis des signaux agissent au niveau central sur des structures clés de l'hypothalamus et du tronc cérébral. L'ingestion d'aliments s’accompagne aussi d’un plaisir ressenti appelé « boucle de la récompense » qui permet à l'organisme de se diriger vers des nourritures essentielles au maintien d'une balance énergétique. Intervient dans ce cas un circuit dopaminergique impliquant des récepteurs spécifiques (D 2/3). Lors de dysrégulations du comportement alimentaire on observe des altérations notables dans la régulation des signaux endocrines (leptine, insuline…) et dans la transmission dopaminergique.


- Nous semblons observer une prévalence de l’anorexie chez les adolescents et les jeunes adultes, en particulier les femmes. L’exposition à des produits chimiques lors du développement, peut-elle expliquer ce phénomène ? Les cosmétiques, ont-ils un rôle dans ces perturbations comportementales ?


Les altérations du comportement alimentaire ont évidemment une large part de facteurs psychologiques et donc sont susceptibles de se manifester à des périodes charnières de la vie ou l’individu construit sa relation avec la société et l’environnement qui l’entoure. Evidemment l’adolescence est la période la plus critique, en particulier pour les jeunes filles sensibles aux effets de mode et de références esthétiques. Mais il est aussi difficile d’identifier le « facteur premier ». Pour ce qui concerne les aspects esthétiques (silhouette) le facteur génétique est évidemment déterminant mais il joue aussi dans la susceptibilité. Par exemple les populations issues du Maghreb ont une prédisposition au diabète et au surpoids, qui se manifeste dans les pays d’origine et d’émigration. Dans Ce cas, des changements significatifs de régime alimentaire augmentent les risques d’obésité (exemple avec les afro-américains). Comme la régulation pondérale est fortement lié à des équilibres hormonaux, le développement des connaissances sur les mécanismes d’action des perturbateurs endocriniens a permis de mieux établir les relations entre la pollution environnementale et le syndrome métabolique. Si on considère les atteintes possibles au métabolisme des lipides on peut se référer aux substances pouvant interagir avec le récepteur PPAR comme les phtalates, les PFAS, les organoétains, ou même des substances naturelles comme la génistéine présente dans le soja. D’autres contaminants interfèrent avec la sécrétion d’insuline comme certains éléments traces (As), mais aussi des POPs (DDT, PCBs) des pesticides comme l’atrazine ou des additifs comme le glutamate. D’autres interactions peuvent se réaliser via les récepteurs au glucocorticoïdes (ex. le BPA). De nombreuses études ont aussi porté sur les fumeurs et on a constaté que le fait de fumer ou le sevrage pouvaient entrainer de fortes variations pondérales. On a aussi ces mêmes réactions avec des médicaments comme les benzodiazépines ou d’autres drogues.


- Il y a-t-il des périodes de la vie où nous sommes plus susceptibles aux produits chimiques dans notre environnement ? S’en protéger diminuera-t-il l’incidence de l’obésité, du diabète et de l’anorexie dans nos sociétés occidentales ?


La période la plus sensibles est à l’évidence la phase d’organogénèse, correspondant à la gestation et à la période post natale (souvent appelée période des 1000 jours). Un bon exemple est donné chez les femmes fumeuses. Dans la fumée de cigarette, il y a aussi les goudrons (HAPs) qui jouent sur le fonctionnement des adipocytes chez le nouveau-né, ce qui entraîne un poids réduit à la naissance (de 200 à 400g) mais un risque de surpoids et d’obésité dans la suite du développement (+ de 10 cigarettes/jour). C’est pour cela que des études de bio-surveillance analysent le sang du cordon et le lait, deux voies d’exposition fœtale et néonatale. De même la malnutrition pendant la gestation à des conséquences graves sur le métabolisme et le comportement du futur enfant. Des déséquilibres alimentaires au cours de l’enfance et de l’adolescence peuvent être un facteur d’obésité. Pour conclure on peut dire que les causes d’altérations du comportement alimentaire sont multiples, mal connues et sont l’objet d’intenses recherches. Par exemple avec mon équipe de nutrition et toxicologie de l’Université St Joseph de Beyrouth, nous avons cherché à discriminer sur une cohorte de 250 personnes les paramètres pouvant induire le syndrome métabolique. Entre contamination, pratique d’un sport, données sociologiques et alimentation, c’est le facteur « changement de profil alimentaire » qui apparait comme le plus déterminant.


Glossaire :


PFAS : composés polyfluoroalkylés, PCB : Polychlorobiphényles, HAP : Hydrocarbures aromatiques polycycliques, POPs : Polluants organiques persistants, BPA : Bisphénol A, PPAR : Récepteur activé par les proliférateurs de peroxysomes (peroxisome proliferator-activated receptor, PPAR) appartient à la superfamille des récepteurs nucléaires agissant comme facteur de transcription des gènes impliqués notamment dans le métabolisme des lipides et l'adipogenèse.

 

Retrouvez le texte de Jean-François NARBONNE directement sur le site d'ATLANTICO

Le dernier avis du Professeur Narbonne, sur les risques de l'oxyde d'éthylène présent dans les aliments est disponible ici :

Aliments contaminés par l’EO : Quelle est la réalité des risques ?

LES JEUDIS de lATC

Compte tenu de la situation actuelle et afin de maintenir un lien entre nous toutes et tous, le bureau de l'Association Toxicologie Chimie vous propose en 2021 une série de conférences par ZOOM, "Les jeudis de l'ATC" à 19 heures pour 1 heure de présentation suivie de 20 minutes de questions.

La visioconférence N°1 du 8 avril avec le Dr Michel Vincent sur « Les Implants de stérilisation ESSURE. Effets secondaires locaux et généraux : une toxicité aux microparticules d’Etain » était très intéressante.

L’ATC remercie vivement Le Dr Vincent tous les participants.

Voir et revoir la vidéo N°1.

 

 

 

Nouveau Module : formation en INTRA

4) AIR INTÉRIEUR

Public cible : Médecins (du travail, généralistes...) Hygienistes, IPRP ... et toute personne curieuse.

Durée : 2,5 jours  (soit 17 heures)

Prérequis : néant

Prix : 5600 € ttc (pour 12 personnes maxi soit 470€/pers et 5 personnes mini) 

Lieu : - sur site pour les entreprises qui réunissent leurs collaborateurs en INTRA,

          - ou dans les locaux de l'AFBB : 9 bis rie Gérando, 75009 à Paris,

          - ou en visio-conférence selon les obligations de l'actualité

INSCRIPTION ET RENSEIGNEMENT :

Jennifer OSES

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07 85 15 72 51

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L’ATC est une association d’intérêt public, gérée uniquement par des bénévoles.

L'ATC ne tire aucun bénéfice de ses publications. Elle s’inscrit dans une ligne éditoriale scientifique de mise à disposition d'informations dans les domaines de la toxicologie, de la toxicochimie et de l'écotoxicologie.

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