Les suites de l'affaire des œufs contaminés, le professeur Narbonne nous en dit plus :

Oeufs Fipronil Substances Toxiques Alimentation

Comme on pouvait s’y attendre, l’affaire des œufs contaminés par le Fipronil a une suite. Une information donnée le 23 août par les autorités néerlandaises signale que de l’Amitraze avait été utilisé par « l’ami des poulets » (ChickFriend), le prestataire de services incriminé dans l'affaire du Fipronil.

L'Amitraze est une substance de synthèse à activité acaricide et insecticide de la famille des amidines, utilisée pour le traitement du varroa des abeilles sous forme de « lanières » antiparasitaires. L’Amitraze est aussi autorisé sous forme de collier contre les tiques pour les animaux de compagnie. Depuis 2008 ce produit est totalement interdit dans l'Union Européenne en tant qu’agent phytopharmaceutique c'est à dire en traitement sur des plantes. Il est également proscrit en tant que biocide, en vaporisation dans des étables ou dans des poulaillers et n’est autorisé qu’en tant que médicament vétérinaire pour des indications particulières. Ainsi, comme le Fipronil, cette substance ne devrait donc pas se retrouver dans les aliments gras comme le lait ou les œufs (et les produits dérivés), sa présence indiquant une fraude et rendrant l’aliment non conforme.

Du point de vue de la toxicité de l’Amitraze peut être considéré comme le « cousin » du Fipronil car leurs profils toxicologiques présentent des similitudes et des différences notables.

Ce sont deux composés très solubles dans les graisses, ce qui explique leur présence comme résidus dans les graisses animales en cas de traitement. Cependant l’Amitraze est 10 fois plus liposoluble que le Fipronil (Kow de 5,5 et de 4 respectivement). Pour ce qui concerne le mode d’action, l’Amitraze est un agoniste du récepteur adrénergique alpha (bloquant l’action de l’adrénaline) alors que le Fipronil est un inhibiteur du GABA (blocage de la transmission neuronale).

Cela se traduit par une toxicité aigüe différente, celle du Fipronil étant 4 fois supérieure à celle de l’Amitraze (DL50 par voie orale chez le mammifère de 100 et 400 mg.kg respectivement). Cependant la différence de liposolubilité va inverser la différence pour ce qui concerne la toxicité par contact dermique, l’Amitraze étant alors plus toxique que le Fipronil (DL50 de 1600 et de plus de 2000 mg/kg respectivement). En termes de métabolisation et d’excrétion, l’Amitraze est éliminé de l’organisme 7 fois plus rapidement que le fipronil (T1/2 de l’ordre de 24h et d’une semaine respectivement). Cela reste toutefois beaucoup plus rapide que leur ancêtre le DDT dont la demi-vie était de l’ordre de 5 ans. Les effets aigus sont comparables avec des signes neurologiques et cardiovasculaires mais à long terme, si on note aussi des effets hépato et néphrotoxiques, l’Amitraze présente de effets sur les fonctions de reproduction. Ainsi pour l’Amitraze et le Fipronil, les seuils de sécurité aigus sont proches (ARfD de 0,01 et de 0,009 mg/kg respectivement), les seuils de sécurité long terme sont différents (DJA de 0,003 et de 0,0002 mg/kg respectivement). Pour ce qui concerne la LMR dans le lait et les œufs, elle est de 0,01 mg/kg pour l’Amitraze et de 0,005 mg/kg pour le Fipronil.

Sur le plan de la gestion des conséquences de la fraude dénoncée, les mesures sont les mêmes dans les deux cas. Si le scénario est bien celui d’une utilisation en traitement externe (sanitation des locaux ou des cages ou pulvérisation sur les animaux) de produits « dopés » avec les substances interdites (mais combien efficaces), la forte probabilité est de trouver des traces des substances dans les œufs, à des concentrations inférieures ou dépassant de façon limitée les LMRs. Dans ce cas, la présence éventuelle de résidus dans les produits dérivés est inférieure aux seuils de détection. Dans ce scénario, la non-conformité des produits entraine un retrait des lots suspects identifiés avec les outils de traçabilité. La consommation d’aliments suspects n’entraînant pas de risques pour le consommateur, un rappel n’est pas demandé. Cependant, dans le cas du fipronil, les teneurs rapportées par les œufs « Hollandais » allaient de 3 µg/kg à 1,2 mg/kg. Pour l’agence Belge la valeur maximale n’était que de 0,09 mg/kg. Les valeurs correspondantes à la base de la fourchette (de l’ordre du µg ou de quelques dizaines de µg/kg) sont cohérentes avec l’usage frauduleux rapporté par les autorités, ainsi qu’avec les résultats des études expérimentales de transferts réalisées au cours des évaluations règlementaires. Par contre, les valeurs extrêmes supérieures au mg/kg ne peuvent s’expliquer par l’usage frauduleux généralement proposé. Dans ce cas on peut avoir une contamination significative des produits dérivés et un scénario crédible d’usage « criminel » doit alors nous être donné par les autorités en charge des enquêtes.